Tandis que la France traverse le plus grand drame de son histoire, des faiseurs d'opérettes affûtent des couplets qui seront applaudis par des milliers d'amateurs.
Et puis, il y a les chansonniers. Comme ils se moquent gentiment du malheur ! Des tickets, du tabac sans tabac, du sucre qui ne sucre pas, des jours sans viande. On se transmet leurs histoires.
- Vous connaissez celle-là ? C'est Ded Rysel qui la raconte. Un client entre dans une brasserie prés de la gare de Lyon. Il commande un demi. On lui apporte le demi posé sur une soucoupe de feutre marron. Il boit un peu de bière, regarde sa soucoupe, la prend entre les doigts, la retourne en tous les sens, mord dedans, en mange un petit bout, boit un peu de bière et dévore le rond de feutre avec une satisfaction évidente. Ensuite, il vide son verre et appelle le garçon: Garçon, donnez-moi un autre demi, mais cette fois, sans gâteau.
On admire l'audace de Martini qui entre en scène, en faisant le salut hitlérien et, gardant le bras tendu, annonce: Jusque-là ! Jusque-là ! Nous sommes dans la merde jusque-là.
Le même chansonnier lance à un soldat allemand qui n'arrive pas à enfiler la manche de sa capote :
Hein ! C'est difficile à passer, la Manche.
Petites histoires qui sont le plaisir et la revanche des vaincus, des affamés, des occupés.